« Oui à la rénovation non au naming. Le RCS joue au stade de la Meinau ». Le message affiché par le kop lors de la réception de Guingamp ce vendredi a forcément fait parler dans les chaumières alsaciennes. Alors on s’est penché sur la question du « naming ». Explications.

Au lendemain de la défaite face à Guingamp, nous vous avons posé la question du « Pour » ou « Contre » un changement de nom du stade de la Meinau. Que ce soit sur Facebook ou Twitter, vos votes (plus de 1500) sont similaires : Pour 30 %, Contre 70 %. En lisant vos commentaires, nous nous sommes dis, ce sujet est si passionnant qu’il mérite d’être creusé car outre le changement de nom, c’est tout un montage financier qui est en jeu. Ce n’est plus un secret pour personne : si le club veut se pérenniser en Ligue 1, il lui faudra augmenter sa capacité d’accueil et ses recettes commerciales (VIP, espaces privés, …) aujourd’hui à leurs maximums. Dans l’Alsace du 6 janvier, le Président Marc Keller a évoqué « le tournant » que le Racing et les collectivités locales devront prendre pour offrir au RCS un outil qui lui permettra d’assurer des revenues nécessaires à la Ligue 1. Outre les contributions des collectivités et du club, la question d’un « naming » du stade de la Meinau pour participer à sa rénovation est évoqué. Le « naming » est une opération visant à accoler ou remplacer le nom d’un stade par un sponsor qui assure au club en échange un loyer sur plusieurs années.

Le « naming » est à la mode à l’étranger

En Angleterre, le « naming » est monnaie courante. En France, seuls Nice (Allianz Riviera), Marseille (Orange Vélodrome), Lyon (Groupama Stadium et Matmut Stadium Gerland), Bordeaux (Stade Matmut-Atlantique) et Le Mans (MMArena) ont opté pour cette solution. Le site ÉconomieMatin.fr avait cherché à comprendre en 2014 pourquoi les clubs français hésitaient à se lancer dans ce projet en s'engageant pour 15 ans, voire plus, avec une société afin d'être parrainé par une entreprise. En termes de « naming », l'Allemagne et l'Angleterre sont les rois. La Mercedes-Benz-Arena de Stuttgart, la Volkswagen-Arena de Wolfsburg sans oublier l'Allianz Arena de Munich. En Angleterre, l'Eithad Stadium de Manchester City, l'Emirates Stadium d'Arsenal et le centre d'entraînement AON Training Complex de Manchester United sont les parfaits exemples.

Le site Écofoot.fr avait lui aussi étudié la question du « naming » en 2014. « Généralement, les accords de naming conclus en Bundesliga sont réalisés avec des entreprises allemandes, possédant un ancrage régional similaire au club sponsorisé. C’est notamment le cas avec la firme Volkswagen qui a donné son nom à l’enceinte du VfL Wolfsburg. Les accords sont souvent conclus sur de longues durées : Allianz souhaite s’engager jusqu’en 2041 avec le Bayern Munich ; Schalke 04, Borussia Dortmund ou encore Hanovre 96 possèdent des contrats avec leur partenaire s’achevant au-delà de 2020. Les clubs de Bundesliga ont eu l’ingénieuse idée d’initier la pratique du naming lors des travaux de rénovation des stades pour l’accueil de la Coupe du Monde 2006. Ainsi, la pratique a été beaucoup mieux acceptée par les supporters. Le partenaire de naming a plutôt été considéré comme une aide financière pour la rénovation des stades ».

Le Racing n’est pas propriétaire de la Meinau

« En Allemagne, de nombreux clubs sont propriétaires de leur stade. Cette donnée est extrêmement importante dans le cadre de la négociation de partenariats de naming. Les directions des différents clubs de Bundesliga peuvent négocier en direct avec les entreprises intéressées. En Ligue 1, la donne est plus compliquée, notamment dans le cadre des partenariats public-privé, les recettes provenant du naming ne sont pas directement perçues par le club : elles permettent, tout au plus, de concevoir des baisses de loyer payé par le club résident. Un argument supplémentaire qui n’encourage pas les dirigeants à mettre tout en œuvre pour chercher un partenaire ».

En Allemagne, le Hertha Berlin n’est pas le seul décisionnaire sur la question du naming de son enceinte. Comme pour le Racing, le club n’est pas propriétaire de son stade. Entre 2004 et 2007, le Hertha Berlin a même du partager ce stade avec l’équipe de football … américain de la ville de Berlin. Ainsi, dans le cadre d’un contrat de naming, le Hertha doit se mettre d’accord avec le propriétaire de l’enceinte pour la redistribution des revenus. Une situation qui complexifie la recherche de partenaires.

Combien ça rapporte ?

Dans le cas de l'OGC Nice, l'assureur Allianz verse 16 millions d'euros pour 9 ans. Dans le cas de l'Allianz Arena de Munich, le contrat est évalué à 90 millions d'euros sur 10 ans. A Arsenal, ce dernier est basé sur 150 millions sur la même période. Bien loin des 16 millions de Nice. En Turquie, l'entreprise téléphonique Türk Telekom a donné son nom au stade moyennant 65 millions d'euros sur 10 ans. A Moscou, pour la prochaine Coupe du monde en 2018, le Spartak nommera son stade « Oktrykie Stadium » pour 30 millions d'euros.

Le Monde a étudié la question en juillet 2017. Force est de constater que le secteur de l’Assurance possède une inclination pour ce type de réclame. Dès 2011, MMA avait choisi le parrainage du nouveau stade du Mans pour 1,2 million par an (plus exactement, 2 millions de contribution au financement du stade lui-même et 1 million d’euros par an pendant 10 ans). En 2012, Allianz, déjà parrain du stade dans lequel évolue le Bayern de Munich, décidait de s’associer au nouveau stade de Nice pour 1,77 million d’euros par an. Puis, en 2015, Matmut en faisait de même avec le nouveau stade de Bordeaux pour un montant non révélé (mais dont on sait qu’il est inférieur à 3,9 millions d’euros par an). Avec l’accord entre Groupama et le Parc OL, ce sont donc la moitié des acteurs principaux du secteur qui s’affrontent par stade interposé. Dans ce panorama, le fournisseur d’accès Orange semble bien isolé. Il parraine désormais le stade Vélodrome pour 2,7 millions d’euros par an, après avoir été le pionnier du parrainage d’une ligue (c’était il y a 10 ans et il s’agissait de la Ligue 1).

Compte-tenu de l’historique récent du Racing et de la taille du stade, sans tenir compte de l’image positive du moment portée notamment par les résultats et les supporters, il sera difficile de porter le « naming » de la Meinau à plus d’un million d’euros par an. Si aucun contrat commercial n'est signé, ce montant devra être trouvé ailleurs.

Parfois ça capote

L'exemple de Lille montre que les entreprises n'ont pas le monopole sur le football français. Construit en 2009, le Stade Pierre-Mauroy a vu le jour le 17 août 2012. Mais avant que le nom de l'enceinte soit associé à l'ancien Premier Ministre et maire de la ville, le groupe Partouche a souhaité sauter sur l'occasion pour apposer sa marque. Raté. « Partouche a proposé d'offrir pour le naming deux millions d'euros, mais cela aurait rapporté 1,4 million d'euros par an après avoir enlevé des prestations et nous avons refusé, a expliqué l'actuelle maire de Lille lors d'une conférence de presse en 2012. Aujourd'hui, nous signons avec trois partenaires privés qui nous apportent deux millions d'euros. Ce qui nous permet de réduire le coût du stade Pierre-Mauroy à 9,7 millions d'euros par an, avant, peut-être, l'apport d'autres partenaires publics ».

Un autre raison tient davantage à la nature même du sponsoring français pour Challenges. « Le naming européen concerne principalement des banques, des compagnies d'assurances, cela est un frein dans les pays latins comme la France. Ces pays considèrent qu'apposer ces marques sur un stade, est assez impersonnel, froid, et donc on en fait payer le prix aux sponsors. C'est un problème culturel. D'ailleurs ni l'Espagne, avec ses deux mastodontes, le FC Barcelone et le Real Madrid - même si le stade Santiago Bernabéu fait actuellement l'objet de discussions pour être rebaptisé du nom d'une société d'Abu Dhabi -, ni l'Italie n'ont eu recours au naming ». A Bordeaux, il avait également été difficile de choisir pour nommer le nouvel antre des Girondins.

La peur du « nom pourri »

Pour les plus fidèles supporters, le Stade Gerland reste associé à Lyon, le Vélodrome à Marseille, Bollaert à Lens, Bonal à Sochaux, La Mosson à Montpellier, … la Meinau à Strasbourg. Depuis 2011, le stade Léon-Bollée du Mans a laissé son nom à la compagnie d'assurance MMArena. Il faut avouer, sans faire offense au constructeur automobile français, que Léon-Bollée n’est pas le nom le plus vendeur possible. L'OGC Nice, lui, a choisi de « copier » le modèle allemand avec son Allianz Riviera. Inaugurée le 22 septembre 2013, l'enceinte est magnifique et comporte 35000 places. Certes, les supporters sont attachés à « leur » stade mais le changement paraît bénéfique pour les partenaires, l'économie du club, la stabilité financière, la pérennité etc. L'Olympique Lyonnais l'a bien compris avec son « Stade des Lumières ». Si son nom était provisoire, il a depuis été remplacé par « Groupama Stadium ».

Il est vrai que le « naming » est plus facile quand le stade sort de terre et non lorsqu'il est rénové, mais cette stratégie est réellement l'avenir en matière de football. S'il reste compliqué en France, l'Allemagne, l'Angleterre, la Russie (voire le Qatar dans quelques années) ont trouvé leur équilibre. La preuve, au niveau sportif, le Bayern Munich truste les sommets en Bundesliga et Manchester City est champion d'Angleterre en titre. Même si Nice n'est pas un habitué des Coupes d'Europe, le choix de « namer » le stade est un signe de renouveau et pourquoi pas un changement des mentalités.

Alors, quel nom ?

Si l’on se base sur le raisonnement allemand de la proximité de l’entreprise pour un futur « naming », il faudrait ainsi chercher dans les plus grandes entreprises alsaciennes dont voici la liste :

Si le premier nom est associé à Sochaux, les deux suivants sont les marques de la grandes distributions Super U et Leclerc, pas forcément associés au locale. Le quatrième n’est autre qu’une filiale du Crédit Mutuel. S’en suivant des entreprises comme Kronenbourg ou encore Millipore. Lorsque l’on croise cette liste avec les partenaires historiques du club, plutôt bas-rhinois, quelques noms ressortent forcément avec Électricité de Strasbourg et Würth France. Le nom du futur « naming » est-il dans cette liste ? Rien n’est moins sûr. A moins qu’un mastodonte de la vallée du Rhin, comme Europa Park, ne traverse la frontière ? Ou s’attendre à un retour en force d’Adidas qui va installer son siège français au Wacken ces prochains mois ?

De tout façon, si l'entreprise ne possède pas une aura internationale, le « naming » est impensable. Pourquoi alors « Allianz » s'est associée avec l'OGC Nice ? Tout simplement parce que la société européenne basée en Allemagne est la deuxième au monde dans le domaine des assurances derrière le groupe français « Axa ». Un coup contre la concurrence dans ce cas.

Meinau rénovée, version Euro 2016 - Cabinet WEBER KEILING ARCHITECTES

Conclusion

Que l’on soit pour ou contre le « naming », les collectivités locales et le club ne pourront prendre en charge entièrement le financement de la rénovation de la Meinau estimé à 110M d’euros, centre de formation compris, sans un apport des partenaires privés. La peur de perdre le nom historique de la Meinau, attaché à son implantation, est réel mais l'historique récent des stades français le contredit. En France, les stades de Nice (Allianz Riviera), Lyon (Groupama Stadium) et Bordeaux (Stade Matmut-Atlantique) sont des enceintes neuves nommées après leur construction. Dans le cas de la rénovation, seul Marseille (Orange Vélodrome) a associé son stade à un opérateur téléphonique.

Aussi, on sent bien qu’il sera difficile de changer à 100 % le nom du stade de la Meinau et de le mixer à celui d'une entreprise. Dans le même temps « Crédit Mutuel Meinau », « ES Meinau » ou encore « Kronenbourg Meinau » ne sonne pas très juste, voire carrément pas du tout. Dans le langage courant, ce mardi, le Racing ira défier l’OM au Vélodrome, et non à l’Orange Vélodrome. Assurément les noms commerciaux associées aux enceintes historiques n’entreront jamais dans les mémoires des supporters. On en serait presque rassuré.